Coordinateur technique à Soccer Québec, Philippe Gajevic Sayegh pilote la mise en place du “leader de match”, qui va remplacer l’arbitre classique chez les U9. Explications.
Depuis quand travaillez-vous sur ce projet et comment est-il né ?
Il y a eu un projet pilote il y a quelques années mais qui ne s’est pas prolongé. Aujourd’hui, la différence est que de nouvelles normes de Soccer Canada pour l'école de foot ont été publiées et elles mentionnent explicitement que la possibilité de jouer avec un leader de match en U9 doit être offerte. Dès que cela a été officialisé, on s’est mis en marche, car la mise en œuvre est prévue en 2027.
Aviez-vous déjà expérimenté l’absence d’arbitre dans les catégories de jeunes ?
Oui. Quand j’étais directeur technique de la Pré-Académie (U8 à U12) à l’Impact de Montréal (aujourd’hui CF Montréal), j’avais déjà retiré les arbitres car je trouvais qu'à cet âge, ils pouvaient parfois nuire au développement des joueurs. Ce n’est pas du tout qu’ils fassent mal leur travail : c’est juste que la nature de leur rôle, basé sur les règles traditionnelles du football adulte, leur impose une structure et des comportements qui peuvent parfois ralentir le rythme du jeu… Et ultimement, diminuer le plaisir pour des jeunes.
"Combien y a-t-il de fautes dans un match d'U9 ? Il n’y en a parfois aucune ! Le rôle de l’adulte, à cet âge-là, c’est surtout d’aider les enfants à se repérer : corners, touches, lignes… "
Qu’avez-vous mis en place jusqu’ici à Soccer Québec ?
2026 sera l'année pilote avant que le dispositif devienne la norme pour tout le monde en 2027. Nous allons donc lancer la formation chez les clubs et les associations régionales volontaires. C’est un module en ligne, court et accessible, avec un questionnaire final. Elle est destinée principalement aux éducatrices et éducateurs, même si certains arbitres pourront la suivre s’ils souhaitent mieux comprendre, et peut-être exercer, ce rôle spécifique.
Existe-t-il d’autres initiatives de ce type au Canada ?
Il y en a eu en Ontario et en Colombie-Britannique. Ce n’est pas nouveau de s'interroger sur l’impact des arbitres en catégories de jeunes… Combien y a-t-il de fautes dans un match d'U9 ? Il n’y en a parfois aucune ! Le rôle de l’adulte, à cet âge-là, c’est surtout d’aider les enfants à se repérer : corners, touches, lignes… pas nécessairement d’imposer un arbitrage classique.

Quels vont être les objectifs de ces leaders de match ?
La formation repose sur trois missions principales :
– 1. La base, c'est la sécurité : vérifier les protège-tibias, l’absence de bijoux, l’état du terrain…
– 2. La gestion des règles du 5 contre 5 : c'est une des autres nouveautés de la saison 2027, les U9 resteront une année de plus à 5 (au lieu de passer à 7) pour qu'ils continuent à beaucoup toucher le ballon. Le leader de match doit donc connaître le format 4+1, les touches au pied (dribble ou passe) et les quelques règles spécifiques du format réduit.
– 3. La partie la plus importante concerne le plaisir des enfants : en U9, perdre une minute sur une touche, c’est énorme donc il doit garantir un rythme élevé, une ambiance positive et peu de consignes technico-tactiques ou d'importance au résultat. On ne veut pas de “coachs qui coachent”, mais des éducateurs et éducatrices qui font jouer.
Le projet s’accompagne aussi d’un changement dans la forme de compétition. Pouvez-vous expliquer ?
Les U9 ne joueront plus en ligue classique "une équipe contre une équipe", mais lors de rassemblements durant lesquels plusieurs équipes jouent plusieurs petits matchs dans la journée, en changeant d’adversaires et de terrains. Cela est beaucoup plus adapté au développement des enfants, en leur proposant plus de temps de jeu, plus de variété et moins d’attente sur le banc. C’est très cohérent avec la philosophie du leader de match.
Les éducateurs ne risquent-ils pas de récupérer une tâche supplémentaire ?
C’est effectivement une responsabilité en plus, on en est conscient, mais la nouvelle structure – 5 contre 5, rassemblements – réduit la charge ailleurs, car les enfants auront plus de liberté. Le but est que tout soit fluide, avec moins d’éléments à gérer. Le mot d’ordre reste : jouer !
"Les études de psychologie sportive nous démontrent que les enfants prennent le jeu tout aussi au sérieux avec un arbitre ou sans"
Quelles sont les principales réticences rencontrées ?
Les techniciens sont très favorables à cette réforme parce qu’ils et elles connaissent les enjeux de développement et voient aussi l’avantage financier avec une seule formation à 15 $ (gratuite dans le projet pilote) pour toute la saison. La direction de l’arbitrage de Soccer Québec est aussi alignée avec nous et a participé à la conception de la formation. Les réticences viennent plutôt d’une partie des parents pour qui, sans arbitre, ce n’est pas “un vrai match”. C’est une vision très adulte du sport. Or, les études de psychologie sportive nous démontrent que les enfants prennent le jeu tout aussi au sérieux avec un arbitre ou sans.
Comment allez-vous accompagner les clubs face à ces résistances ?
On ne va pas juste dire : "Bon, en 2027 vous faites ça. Bonne chance." Ce serait voué à l’échec. On va fournir des vidéos pédagogiques, des explications sur les bénéfices du 5 contre 5, des guides pour organiser un rassemblement et des outils de communication. Je me déplacerai moi-même pour faire des assemblées citoyennes afin de répondre aux questions et aux oppositions, le temps que tout le monde réalise les bienfaits de ces évolutions pour notre foot de jeunes.


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