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À l'occasion du match France-Belgique, retour avec Kris Van Der Haegen, le directeur de la formation des entraîneurs belges, sur quelques axes de la méthodologie appliquée aux sélections nationales jeunes.

Pourquoi le nier, à VESTIAIRES, nous avons toujours eu un petit faible pour nos voisins belges. D’une part, parce que nous avons toujours été étonnés par le dynamisme et l’esprit d’innovation manifestés par les techniciens du d’Outre Quievrain et, d’autre part, parce que ce pays dont la population totale reste inférieure à celle de la région Ile-de France ou à celle de la Normandie, figure au rang des nations majeures du ballon rond depuis une décennie. Mieux même, de 2018 à 2021, soit plus de milles journées durant, les Red Devils ont trusté la première place du classement FIFA sans interruption. Devant le Brésil, l’Argentine, l’Allemagne et devant la France, donc. Si elle apparaît aujourd’hui à la 6ème place - son plus « mauvais » classement depuis 2013 - la question demeure de savoir comment une fédération de cette taille, pénalisée de surcroît par un championnat moyen, est parvenue à s’incruster aussi durablement dans le gotha des grands pays du ballon rond. Par l’entremise d’une génération exceptionnelle est-t-on d’abord tenté de répondre. Soit ! Mais pas seulement.

 

De 2018 à 2021, les Diables Rouges ont trusté la première place au classement FIFA pendant plus de 1 000 jours.

 

Avant d’intégrer les clubs les plus prestigieux d’Europe, ces joueurs ont été formés au pays par les techniciens locaux au sein d’associations appliquant les préceptes du Pôle Technique de la fédération Belge. Par extension, les succès des Diables Rouges semblent reposer ensuite sur une cohérence d’approche entre les exigences imposées dans les sélections nationales jeunes et celle des A. Une volonté appliquée à travers la formalisation de "Teamtactics" valant pour socle de compétences communs (voir encadré). Les explications de Kris Van Der Haegen, le directeur de la formation des entraîneurs de la Fédération, qui s’était confié il y a trois ans dans la revue Zone Technique : "Notre méthodologie est assez simple en fait, on apprend le jeu en jouant ! Le tableau noir, les discours, très bien, ils sont nécessaires ;  mais nos licenciés viennent au stade pour faire l’expérience du jeu ! Les progrès découlent de ce qu’ils font, vivent et perçoivent. Et pour cela, il faut les nourrir, les mettre dans l’action ! C’est le premier devoir de l’éducateur, de l'entraîneur ou du sélectionneur."

 

"Le transfert des compétences s’effectuera d’autant plus efficacement qu’il existera un maximum de similitudes entre le contenu d’entrainement et le match"

 

Une approche résolument globale, faisant le pari d’une complexité maîtrisée selon le maître d’œuvre de la formation des éducateurs : "Le transfert des compétences s’effectuera d’autant plus efficacement qu’il existera un maximum de similitudes entre le contenu d'entraînement et le match. » À cet égard, la ressemblance entre les parti-pris pédagogiques et méthodologiques déclinées par les fédérations espagnoles et belges sautent aux yeux. Le même technicien complète : "En fait, si on veut revenir à l’essentiel, il s’agit pour l'entraîneur devant sa fiche de répondre à quatre questions : Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? "Qui ?" pour identifier qui est impliqué ; "Quoi ?" pour déterminer la nature du problème et celle de la solution ; "Où" pour identifier les zones et où le problème se répète et les espaces dans lesquels la solution apparaîtra et enfin ; "Quand ?" pour cibler le moment au cours desquelles le problème et/ou la solution surgit." Une méthode, des convictions et de la constance dans les options privilégiées, qui font que le "petit" voisin belge semble en mesure de donner la leçon à bien des pays. Et pas uniquement en termes de résultats.

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"Dans un festifoot U6, les enfants ne jouent pas les uns contre les autres, mais les uns avec les autres !"

D’une manière générale, lorsque les acteurs du foot belge relèvent une problématique particulière, les éducateurs des pays alentours ont tout à gagner à observer attentivement le cheminement de leur réflexion. Une assertion renforcée avec la mise en place Outre-Quiévrain des plateaux « festifootU6 », en 2017. Une organisation à destination des plus jeunes se singularisant par une alternance de « matches 2 contre 2 » et de défis ludiques, comme les jeux dits de cour d’école, « 1-2-3 soleil », « les déménageurs », « le loup dans la bergerie », etc… Autre caractéristique, et pas la moindre, les enfants se rendant sur les plateaux avec leurs éducateurs sont systématiquement "mélangés" indépendamment de leurs clubs d’origine. Comme l’explique Xavier Donnay, le responsable du football de base à l’ACFF (la partie francophone de la Fédération Belge de football): "Lorsque les enfant arrivent, l’animateur en charge du plateau distribue aléatoirement les chasubles de couleur pour constituer de nouveaux groupes." Un parti pris qui étonne et que le technicien argumente : "La notion de club doit s’effacer derrière celle du "fun football." Autrement dit, dans un festifoot, les enfants ne jouent pas les uns contre les autres, mais les uns avec les autres !" De quoi limiter les excès liés à « l’esprit de compétition, véhiculé principalement par les parents et les éducateurs, et qui sapent à terme les conditions de la motivation tout en augmentant le stress du jeune pratiquant. » 

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"8000 enfants conviés et détectés par classe d’âge"

Daniel Boccar a été pendant de longues années, le directeur technique de l’ACFF (l’Association des clubs francophones de Football). Nous l’avions interrogé dans le courant de l’année 2020 pour en savoir un peu plus sur les méthodes de détection et d’accompagnement des jeunes licenciés belges. Voici ce qu’il nous disait : « La politique technique de l’ACFF s’appuie sur deux piliers, la formation des cadres et la détection des talents. Chaque année des actions sont menées à destination d’environ 8 000 enfants par classe d’âge. À partir des U10-U11, l’ACFF propose aux enfants de rejoindre un des 24 centres de perfectionnement technique dévolus une fois par semaine. Cette séance hebdomadaire est programmée de façon à pouvoir s’additionner aux séances proposées au sein des clubs (et non pas « à la place de » ndlr). Les enfants sont invités par le biais d’une lettre nominative. Il est alors indiqué au licencié qu’il fait partie du processus de détection pouvant lui permettre d’intégrer à termes la sélection nationale. Sur les 8000 enfants et jeunes de la classe d’âge, environ 1500 licenciés s’inscrivent pour participer à ces séances de perfectionnement technique. À l’issue du processus, 150 jeunes sont retenus. Cette opération est répétée jusqu’en U15. Avec des contenus supplémentaires à partir des U12 comprenant notamment des exercices technico-tactiques et différentes formes de jeu. Ces jeunes sont alors regroupés durant deux à trois saisons dans des "centres de foot-élite" dans lesquels ils associeront études scolaires et entraînements à raison de 6 séances par semaine. » 

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