En vertu de quels critères composer son banc dans le cadre de la feuille de match à 14 ? Si la question est simple, la réponse est complexe et prend en compte divers paramètres.
"L’enfer du dimanche." Les plus cinéphiles auront reconnu le titre du film d’Oliver Stone avec Al Pacino dans la peau d’un coach de football américain. Les plus angoissés auront plutôt reconnu la description de leur état d’esprit au moment de donner le onze appelé à débuter le match, actant du même coup la liste des joueurs invités à s’asseoir sur le banc. Des décisions difficiles à prendre dont il faut reconnaître, à l’instar des "emmerdes" d’un certain Président de la République, qu’elles volent toujours en escadrilles. Un choix rendu plus cornélien encore par la restriction faite aux clubs départementaux et régionaux de limiter à 14 le nombre des licenciés pouvant apparaître sur la feuille de match. Ici, pas de banc à rallonge pour garantir la paix de l’entraîneur et satisfaire aux aspirations de primes des contrats professionnels ou fédéraux, mais plutôt trois exilés du terrain pour lesquels le match ne commencera véritablement qu’à partir du moment où leurs pieds fouleront la pelouse. Et ce, indépendamment de leur état d’esprit ou de leur acceptation des décisions du coach. Sous tous les angles qu’on le prenne, la composition du banc de touche impacte le vécu du groupe dans de larges proportions.
Killian Besson (Misérieux-Trévoux - R2) : "Un sujet récurent et susceptible de bouger le groupe en profondeur."
Comme le signale Killian Besson, le coach de Misérieux- Trévoux en Régional 2 : "C’est un véritable sujet parce qu’il revient chaque semaine et qu’il peut remuer le groupe en profondeur. Ce qui explique pourquoi les choix que l’on effectue tiennent plus souvent de la gestion d’effectif que la dimension tactique pure." Une déclaration formulée sensiblement à l’identique par Antoine Pielack, coach de l’équipe R1 de l’AFC Compiègne (60) : "Le constat veut que l’on travaille avec un groupe de 20 le vendredi, qu’à la fin de l’entraînement on en écarte 6, qui bien sûr ne sont pas contents, puis qu’on demande à 3 autres de prendre place sur le banc le jour du match sans trop montrer qu’ils font la gueule." Un exercice d’équilibriste pouvant tourner à la question existentielle pour le technicien désireux de tirer le meilleur de son équipe sur l’instant sans créer les conditions de son implosion future. Avec le risque inhérent d’aller vers le plus facile comme poursuit l’entraîneur de l’Oise : "Un coach peut être enclin à mettre un jeune sur le banc, plutôt qu’un des cadres qui peut se sentir lésé par la décision. Le jeune joueur considérant que le fait d’être dans le groupe, même sans commencer le match, est une chance. En contrepartie, mettre un des leaders de l’équipe en 12, 13 ou 14 permet parfois de le piquer momentanément sans le perdre dans la durée pour le groupe." Pas facile donc de tirer le bon grain de l’ivraie et de discerner le chemin le plus viable pour maximiser le rendement collectif.

La dimension "gestion d’effectif" semble bien supplanter la question tactique aux niveaux districts et ligues
Ainsi, contrairement à ce que l’on peut voir dans les niveaux nationaux et professionnels, la dimension "gestion d’effectif" semble bien supplanter la question tactique aux niveaux districts et ligues. Pour autant celle-ci demeure bien sûr essentielle. Mais alors en vertu de quels critères, les coachs décident-ils de la composition de leur banc. Réponse de Killian Besson : "D’abord en fonction du poste. Pour ma part, je choisis mes remplaçants plutôt sur des postes offensifs. Généralement, 2 cartouches offensives : un attaquant plutôt axial + un profil offensif polyvalent susceptible d’évoluer dans les couloirs. Le profil du 3ème remplaçant s’avérant généralement celui d’un joueur capable d’évoluer dans le cœur du jeu, le plus souvent un milieu de terrain "multicartes". Pas de défenseurs de métiers dans l’énumération ? Nous posons la question. Réponse du coach : "En composant mon 11 de départ, j’essaye d’identifier en amont 1 ou 2 joueurs susceptibles d’évoluer en défense si nous rencontrons des problèmes spécifiques sur cette ligne. Il est en effet toujours plus facile de permuter des milieux de terrain axiaux défensifs en charnière centrale ou des excentrés sur les postes de latéraux plutôt que privilégier le choix d’un défenseur qui peut être condamné à rester sur le banc tout le match en fonction de l’évolution du match." Des profils offensifs donc plutôt que des défenseurs, mais pour quelles raisons ? Un argument est mis en avant par Antoine Pielack : "Il est toujours difficile de faire rentrer un remplaçant sur un poste défensif lorsque l’équipe est en place. L’équilibre des forces pouvant même basculer et se rompre instantanément si le défenseur entrant se trouve dépassé par le rythme du match, notamment sur les plans psychologiques et athlétiques."
Antoine Pielack - AFC Compiègne (R1) : "Sur le plan athlétique, la difficulté survient lorsque le joueur a été cantonné à ce rôle de remplaçants pendant plusieurs matchs."
Un argument athlétique que les deux coaches mettent en avant pour des raisons différentes. Tout d’abord par le coach de Compiègne : "La difficulté survient lorsque le joueur a été cantonné à ce rôle pendant plusieurs matchs. En effet, l’individu ne jouant que 20 minutes par match durant 3 à 4 semaines est condamné à perdre sa capacité athlétique. En d’autres termes, il devient moins performant et moins intéressant pour un coach qui risque de le pénaliser dans la durée pour des raisons qui sont d’abord et avant tout de son ressort. Ma stratégie sur le sujet est qu’un licencié peut apparaître 2 à 3 fois consécutivement sur le banc mais qu’ensuite, si les conditions le permettent il lui faut disputer un match complet avec la réserve pour pouvoir postuler à une place de titulaire en équipe 1 la semaine suivante." L’entraîneur de l’Ain revenant pour sa part sur son choix de privilégier des profils offensifs en considérant la dimension athlétique : "Sur ces postes offensifs, les courses sont bien souvent effectuées à haute et très haute intensité par des joueurs qui, au fil des minutes vont avoir de moins en moins de glycogène pour effectuer les efforts offensifs comme défensifs. D’où un besoin plus évident de changements sur ces postes afin que l’équipe conserve son intensité de jeu." Bref, la question est complexe et prend en compte à des niveaux divers les aspects relatifs à la gestion de l’effectif, à l’équilibre tactique de l’équipe, aux capacités physiques et mentales du groupe dans son ensemble et des remplaçants en particulier. Le tout dans le cadre fluctuant des synergies individuelles et du déroulement de la saison. Un exercice ardu résumé par le coach Pielack : "Quelles que soient les raisons, C’est à nous de trouver les mots et les ressources pour faire en sorte que les joueurs qui entrent dépassent leur frustration pour apporter quelque chose de nouveau ou de différent à l’équipe."

Supersub ?
Sir Alex Ferguson aura très largement participé à la mythification du concept du supersub avec Soljskaer, le remplaçant-titulaire ultime et expert dans l’art de retourner les matchs en 20 minutes chrono. Quid en amateur ? Réponse du coach de l’AFC Compiègne : "En amateur, cette notion de super-remplaçant me parait illusoire parce que, par définition, un joueur veut jouer. Un licencié qui se rend à l’entrainement 3 à 4 fois par semaine + le match ne peut pas se satisfaire d’être systématiquement sur le banc et de jouer 20 à 30 minutes par rencontre. L’hypothèse la plus probable étant qu’il va se démobiliser et que l’on va le perdre dans la durée. Dans ces niveaux, il faut impérativement qu’on puisse le récompenser de tout cet investissement en le titularisant."
Marc Gras, coach des U14 de l’US Puyricard (13) : "15 minutes de temps de jeu minimum à la fin de la première ou au début de la seconde mi-temps"
Et chez les jeunes, la même logique prévaut-elle ? Éléments de réponse avec un éducateur U14
"Le premier critère pour définir qui commence dans le 11 et qui s’assied sur le banc est l’assiduité à l’entrainement. Pour ma part, je privilégie une logique de 1 remplaçant par ligne. J’ai été très clair avec mes joueurs en leur précisant que l’entrée dans le football à 11 marquait une rupture. Dans le football à 8, chaque licencié inscrit sur la feuille de match était assuré de jouer un tiers du match à minima. Désormais, l’entrée des joueurs est aussi conditionnée par l’évolution du score et du match. En revanche, je m’oblige à leur accorder 15 minutes de jeu minimum afin qu’ils aient leur sentiment de participer pleinement à l’histoire de la rencontre. Simplement, par souci d’équité et d’équilibre, je préfère les faire entrer dans le dernier quart d’heure de la première mi-temps ou au retour du vestiaire pour le début de la seconde. Ensuite, s’ils sont performants et engagés, leur temps de jeu peut grimper. Dans tous les cas de figure, je m’interdis de laisser sur le banc tout un match un joueur qui a consacré son dimanche matin pour pouvoir évoluer avec l’équipe."

Après avoir abordé les aspects théoriques et le procédé "exercice" dans la "Partie 1", place aux procédés "jeu" et "situation" avec le CTR de la LBFC.

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