Sélectionneur des Bleues depuis août 2024, Laurent Bonadei retrace comment il a endossé le statut de numéro 1 après cinq ans d'adjoint d'Hervé Renard et quinze dans la formation.
Avez-vous changé de place dans le car de l'équipe de France depuis août ?
Non. Dans le bus, Hervé (Renard) était assis sur le siège de droite et j'ai gardé ma place à gauche. Le seul changement que j'ai opéré est à table, à Clairefontaine. Je n'ai pas pris la sienne mais je me suis mis dans l'alignement des joueuses.
Au quotidien, qu’est-ce qui diffère le plus entre le rôle d'adjoint et celui de coach principal ?
Aborder tous les paramètres de la fonction : déplacements, relation média, travail avec les clubs, entretien avec les joueuses… Une somme de choses que je n'avais pas à gérer jusque-là. Et puis il y a les prises de décision. J'avais beau être force de proposition et très aligné avec mon entraîneur, je n'étais pas le décideur final, ce qui pouvait parfois générer de la frustration.
En vingt années de coaching, c’est la première fois que vous endossez le rôle de numéro 1 en pro. Est-ce la consécration attendue d’une vocation ou une nouvelle opportunité ?
Un peu des deux à la fois. Avant même la fin de ma carrière de joueur, en 2003, j'ai passé les diplômes et mis immédiatement les mains dans le cambouis en prenant les U16 Nationaux de l'OGC Nice. Et ce fut un vrai plaisir. A l'image de Guy Lacombe à Cannes, je voyais la formation comme l'occasion de me construire des fondations solides mais je savais aussi qu'à un moment donné, il me faudrait enlever cette étiquette de formateur comme je dois le faire aujourd’hui avec celle d'adjoint.
"Comme tout entraîneur, je commets des erreurs. Et pour les limiter, le staff doit compenser ou m'alerter. Je ne veux pas d'adjoints béni-oui-oui"
Dans la constitution et la gestion de votre staff, en quoi votre expérience d'adjoint vous a-t-elle servi ?
Elle m'a beaucoup aidé à comprendre les dynamiques d'un staff car j'ai vécu deux expériences différentes : la première avec l'Arabie Saoudite où j'ai dû m'intégrer et m'adapter à une équipe déjà en place et faire certaines concessions ; la deuxième avec l'équipe de France, durant laquelle j'ai proposé à Hervé de le décharger de contraintes managériales tout en me préparant à l'avenir en me positionnant comme "manager" d'un staff que nous avons choisi ensemble. J'animais les réunions techniques, j'élaborais les entraînements… Un rôle proche de ce que je vis actuellement.
Quel enseignement en avez-vous tiré ?
Il faut avoir des moments privilégiés et une relation de confiance réciproque avec tous les membres du staff ! C’est ainsi que j'ai nommé à la tête des U23 Fabien Lefèvre avec qui j'ai passé le BEPF ou encore Stéphane Saillant, que j'ai connu lors du diplôme du Formateur. En tant qu’entraîneur, je commets des erreurs. Et pour les limiter, le staff doit compenser ou m'alerter. Je ne veux pas d'adjoints béni-oui-oui. Il faut de la loyauté, de la franchise, de la compétence, mais aussi des différences pour plus de complémentarité. Stéphane a, par exemple, la fibre formateur, comme moi, mais a été plus amené à travailler sur les stratégies défensives alors que je suis plus porté vers l'offensive.
Vous avez enregistré aussi l’arrivée d’un préparateur mental…
On avait déjà constaté avec Hervé qu'il y avait quelque chose à faire au niveau du mental avec l’idée notamment de travailler sur la confiance. L'arrivée du préparateur Thomas Sammut (Stade Brestois, Léon Marchand, Florent Manaudou, ndlr) s’inscrit dans cette démarche. Si on prend les faits, nous avons été éliminées sept fois sur nos huit derniers quarts de finale. Il y a donc un blocage collectif ou individuel et plus cela devient chronique, plus on en parle et plus cela devient pesant. Le mental est donc un axe de développement qui vise à infuser au groupe que la victoire est avant tout la conséquence de ce qui a été mis en place.
Dans votre fonctionnement, avez-vous souhaité marquer votre différence ou au contraire assurer la continuité avec Hervé Renard ?
Lorsqu'Hervé a été suspendu lors d'un Angleterre-France (1-2), je me suis retrouvé dans une position de numéro 1 sur le terrain, mais jamais dans mon esprit. Un adjoint doit savoir rester à sa place. Je me suis donc comporté comme tel vis-à-vis des joueuses et du staff : je suis resté en survêtement, j'ai pris l'échauffement. Tout cela pour dire que la fonction change, le regard des autres aussi, mais pas l'homme.
Comment avez-vous préparé cette passation de pouvoir auprès des joueuses ?
Lorsque j’ai été nommé, je suis parti en déplacements à Londres, Madrid ou Lyon pour rencontrer 45 joueuses avant le premier stage. Je voulais passer un moment de convivialité avec elles afin de mesurer l'impact de la défaite en quarts de finale des Jeux Olympiques (0-1 contre le Brésil) sur leur mental, connaître leurs dispositions et les préparer à ce qu'elles allaient vivre avec moi en termes d'exigence.
Quelle fut ensuite la teneur de votre premier discours ?
Lors du premier rassemblement, j'ai animé la première réunion seul afin de valider ce que je leur avais dit droit dans les yeux. Tandis que j'étais à leur écoute durant les entretiens individuels, j'ai cette fois-ci surtout parlé de moi. C'était une façon de boucler la boucle.
Votre relation avec les joueuses a-t-elle évolué ? Elles vous connaissaient jusqu’à présent comme l’adjoint du coach…
Je suis plus proche d'elles dorénavant car mon management est basé sur l'authenticité. Je leur ai dit : "si vous m'appeliez Laurent et me tutoyiez quand j'étais adjoint, surtout, ne commencez pas à me vouvoyer et à m'appeler coach, car je reste le même. L'essentiel reste le respect. Si je vous demande quelque chose, vous le faites, si vous me demandez quelque chose j'essaye de répondre à vos attentes".
"Rappeler de manière subliminale de bons souvenirs afin de les mettre dans les meilleures dispositions de concentration"
On dit souvent que la première séance donne le ton… Avez-vous préparé un contenu particulier afin de la marquer de votre empreinte ?
Lors de mes dix-sept mois d'adjoint, j'avais remarqué que les filles avaient apprécié trois ou quatre séances tactiques sur lesquelles j'étais beaucoup intervenu. J’ai donc décidé de les reproduire lors du premier stage de manière plus répétée et plus longue pour : 1-les sensibiliser à une approche tactique variée avec l'apprentissage du système 3-4-3 en plus du 4-3-3 ; 2- faire un feedback psychologique et leur rappeler de manière subliminale de bons souvenirs afin de les mettre dans les meilleures dispositions de concentration.
Être numéro 1, c’est aussi devoir faire face à la gestion du stress et des émotions. Comment peut-on être armé dans ce domaine lorsqu’on n’a jamais été en première ligne ?
Je ne suis pas le même entraîneur aujourd'hui que celui que j'étais à mes débuts. Il ne faut pas croire que formation n'est pas synonyme de compétition. Lorsque, avec le PSG, vous disputez l'Al Kass Cup à Doha avec la génération Rabiot, Maignan et Coman, l’enjeu est bien présent. Lorsque vous entraînez pendant quatre ans la réserve de l'OGC Nice en National 2 et que vous vous battez chaque saison pour le maintien, il y a là aussi un énorme enjeu et beaucoup de pression.
De Pablo Correa à Carlo Ancelotti
Depuis le début de sa carrière d'entraîneur à Nice, en 2003, Laurent Bonadei a côtoyé de nombreux techniciens inspirants. "Dès le début, j'avais accès au vestiaire de Gernot Rohr qui m'avait permis d'assister à ses causeries, puis j'ai vu de l'intérieur le fonctionnement de Frédéric Antonetti, avant de découvrir à Nancy celui de Pablo Correa qui était très intéressant. Il avait choisi un parcours différent du mien. A 40 ans, il avait déjà une grosse expérience et avait mené l'ASNL en coupe d'Europe ! Pablo échangeait beaucoup avec la formation. Les soirs de match, il nous donnait accès au couloir et venait débriefer à chaud la rencontre avec nous, c'était très enrichissant". Au Paris St-Germain, avec les U17 puis les U19 Nationaux, le Marseillais a pu apprécier de près le travail de Jean-Louis Gasset, Laurent Blanc et Carlo Ancellotti, avant de grands échanges avec Claude Puel, Lucien Favre ou Patrick Vieira… Ça vaut tous les cours sur les bancs de la faculté".
Renard-Bonadei, le compétiteur et le formateur
Après une courte expérience en Angola en 2010, Laurent Bonadei a rejoint son ami de trente ans, Hervé Renard, en Arabie Saoudite en 2019. Le début de cinq années de collaboration entre deux techniciens complémentaires, mais "avec une vision un peu différente : je suis plus formateur via mon parcours, donc j'ai par exemple moins d'appréhension à faire des changements car dans la formation, la progression passe avant le résultat. Hervé, lui, a toujours été centré sur la compétition et fait avant tout ses choix pour gagner. Il m'a beaucoup apporté et je pense que dans la position que j'occupe aujourd'hui, c'est lui qui est plus dans le vrai que moi".
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