Méthodologie, foot féminin, école de foot, futsal… Hubert Fournier, le directeur technique national, dresse le bilan de l’année écoulée et présente les grands chantiers de 2026.
Quel bilan tirez-vous de l’année 2025 à la DTN ?
Les années électives sont toujours particulières, car elles sont rythmées par le calendrier politique. Malgré cela, 2025 a été une année productive, à la fois sur la formation des éducateurs et sur les performances de nos sélections nationales qui ont obtenu des résultats positifs. Le seul bémol concerne un léger effritement du nombre de licenciés, que nous avions anticipé mais qui s’est confirmé à la rentrée.
Comment expliquez-vous cette baisse ?
Il y a plusieurs facteurs. D’abord, l’après-JO : de nombreuses disciplines ont bénéficié d’un coup de projecteur massif et ont attiré de nouveaux pratiquants. L’arrêt du Pass’Sport sur les petites catégories a également joué ; il facilitait l’accès de certaines familles à la pratique du football, sport populaire par excellence. Enfin, il y a un contexte démographique que nous ne pouvons ignorer : le nombre de jeunes diminue d’année en année en France, ce qui impacte mécaniquement notre base de licenciés potentiels.
"Un bon entraîneur est un chercheur, capable d’explorer et de recontextualiser selon son environnement et ses joueurs"
Quelle fut malgré tout votre principale satisfaction en 2025 ?
La structuration du football féminin. Nous avons aligné les pôles sur le modèle de préformation des garçons. Les jeunes filles suivent désormais le même parcours, avec des centres de formation ouverts depuis deux ans et en pleine progression. C’est un vrai progrès pour l’égalité des parcours et l’accompagnement des talents féminins.
En matière de formation des éducateurs, deux ans après la mise en place des nouveaux parcours bénévoles et professionnels, quel bilan en faites-vous ?
Nous avons gagné en lisibilité. Les contenus n’ont pas profondément changé, mais la nouvelle architecture clarifie les parcours et les trajectoires pour tous. L’idée est toujours d’avoir une offre de formations accessibles et adaptées à tous les niveaux de pratique et pour tout public. Elle est soumise à une veille sur les processus de formation et sur les contenus car nous devons continuer à réfléchir, en permanence, sur la démarche et les méthodes pédagogiques ainsi que les différentes méthodologies de l’entraînement. Entraîner ne se limite pas à animer des procédés les uns après les autres ; un bon éducateur/entraîneur est un chercheur, capable d’explorer et de recontextualiser selon son environnement et ses joueurs. Notre rôle est de leur fournir un maximum d’outils, de leur donner du sens tout en donnant des orientations fédérales.
Sur quels axes précisément souhaitez-vous aller plus loin ?
Je pense, par exemple, que la périodisation tactique et le jeu de position, qui sont actuellement dans l’air du temps, méritent un regard particulier même s’il faut en l’occurrence savoir de quoi on parle et éviter de tomber dans tout effet de mode. Notre sujet est d’anticiper les évolutions du football de demain, donc de ne rien exclure par principe et d’offrir un panel de possibles « ouvert » aux éducateurs.
"Comme pour la vidéo il y a quinze ans, nous savons que l'IA aura un impact considérable sur les métiers du football"
L’intelligence artificielle peut-elle être intégrée à vos programmes ?
L’IA et les DATAS font déjà partie des travaux du Centre d’innovation et de recherche pour envisager comment on pourrait, par exemple pour l’IA, l'intégrer à nos dispositifs, évaluer ce qu'elle pourrait apporter à nos clubs mais aussi les limites qu’elle pourrait représenter. Comme pour la vidéo il y a quinze ans, nous savons que ces outils auront un impact considérable sur les métiers du football. Aujourd’hui, même dans le football amateur, les clubs se dotent de captation vidéo, d’outils GPS… Il existe un mimétisme positif avec le monde professionnel que nous accompagnons dans nos formations, notamment pour le BEPF où la vidéo occupe une place centrale mais aussi pour le BEFF, le DESJEPS et demain le BEF.

Quels seront les grands chantiers de la DTN, en 2026 ?
Nous avons deux priorités majeures. Premièrement, la poursuite du développement du football féminin, avec un accent particulier sur l’encadrement et la structuration des compétitions. La question de la mixité n’est pas taboue : jusqu’à quel âge et dans quelles conditions ? Chaque modification a un effet domino sur les autres catégories, d’où la nécessité d’un travail global. Deuxièmement, la modélisation de l’école de foot de demain, plus inclusive, mieux encadrée, avec des contenus encore mieux adaptés au développement de l’enfant.
Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Il faut poursuivre et encore renforcer la formation des accompagnateurs ; pas seulement comme techniciens, mais comme éducateurs du jeune public. Les entraînements doivent être adaptés aux besoins de chaque enfant afin de ne pas les décevoir. Les niveaux de pratique varient selon l’âge d’entrée (U5 à U8) et nos éducateurs se retrouvent encore parfois à proposer des séances trop généralistes. C’est donc un enjeu crucial dans un contexte de baisse des effectifs car c'est là où se construit le football de demain.
"Nous allons ouvrir un deuxième pôle France de futsal pour renforcer le maillage territorial"
Comment accompagner les éducateurs face aux attentes parfois démesurées des parents ?
Par la sensibilisation et la formation. Aujourd’hui, rien n’oblige à être formé ou même informé pour encadrer l’école de foot et beaucoup d'éducateurs font au mieux, avec des pratiques qui peuvent être datées. Les parents, de leur côté, attendent expertise et qualité, même à ce niveau. Nous devons donc accompagner les éducateurs vers plus de compétences, sans jamais perdre l’essence éducative de ces pratiques.
Qu’en est-il de vos réflexions sur l'arbitrage ?
Nous souhaitons étendre le dispositif "arbitrages des jeunes par les jeunes" dès les U9. Déjà présent dans certains districts, il a un fort intérêt pédagogique pour comprendre le rôle de l’arbitre et responsabiliser les enfants, tout en leur donnant les outils pour ne pas les mettre en difficulté.
Un mot sur le futsal dont les Bleus vont disputer l'Euro au mois de janvier ?
La discipline connaît une croissance importante, notamment grâce à l’équipe de France et à la féminisation de la pratique. Nous allons d'ailleurs ouvrir un deuxième pôle France pour renforcer le maillage territorial car le futsal est une pratique sécurisée, adaptée, qui constitue un véritable levier de développement.
Pour conclure, quel type d’encadrant ou de manager souhaitez-vous voir émerger dans les prochaines années ?
Le rôle du manager à la Sir Alex Ferguson ou à la Arsène Wenger n’existe plus dans les clubs professionnels. Aujourd'hui, les clubs ont tous des directeurs sportifs ou du football, et l’entraîneur est responsable du projet de jeu, pas du projet global. Nos formations évoluent donc vers cette logique de qualification de techniciens de haut niveau. Du côté amateur en revanche, le BMF et le BEF doivent encore former des éducateurs capables de gérer un groupe mais aussi d’avoir un regard voire des responsabilités sur un projet club cohérent et performant.


