« Ecartez-vous ! » Qui n’a pas déjà entendu cette injonction d’un éducateur agacé de voir tous ses joueurs attirés par le ballon ? Pourtant, rien de plus normal. Explications.
La qualité première d’un éducateur est la connaissance du « public » dont il a la responsabilité. Or, qu’est-ce qu’un enfant de 5-6 ans sur le plan moteur, psychologique, social ou cognitif ? A cette question, les réponses apportent un nouvel éclairage sur la compréhension du phénomème de « grappe » et la tolérance dont le coach doit savoir ici faire preuve. Et pour cause, les ressources dont disposent nos U6-U7 restent encore limitées. Par exemple, leur perception visuelle restreinte liée à une absence de vision périphérique accentue leur approche individualiste du jeu, se focalisant uniquement sur le ballon et non sur l’environnement. De toute façon, leurs ressources cognitives les empêchent de pouvoir appréhender l’ensemble des informations inhérentes au jeu (ballon, cible, partenaires, adversaires). Ils vont donc à l’essentiel de manière spontané : jouer, s’amuser ! L’émotion prime sur la réflexion et il ne peut pas en être autrement finalement. Voilà pourquoi l’enfant se dirige irrémédiablement vers le ballon, source de plaisir. Et ne comprend pas encore pourquoi il devrait le « donner » à un autre... Faire des passes est pour lui un non-sens dans la mesure où s’en séparer est à l’opposé de ses désirs du moment. C’est comme lui ôter son jouet des mains !
L'enfant ne joue pas encore au football, il joue avec un ballon
Autre facteur limitant, la psychomotricité (préalable à la technique) qui en cours de construction et demeure un frein à la progression du jeune joueur dans l'espace. On l’aura compris, pour toutes ces raisons, le phénomène de grappe est tout à fait normal. Il est même un passage obligé dans la construction du jeune footballeur. Par conséquent, il apparaît bien inutile de lutter contre. L'enfant n'étant pas un adulte en miniature, l'erreur consiste à se focaliser sur ses incapacités au lieu d'accepter et de s'adapter à ses compétences du moment. Une gymnastique de l'esprit pas si facile à admettre pour l’entraîneur amoureux son sport... Mais qu’on se le dise : à ce âge, l'enfant ne joue pas encore au football, il joue avec un ballon. Et ça fait une grande différence.
Aménager l’espace et le nombre de joueurs pour alléger le traitement de l’information
C’est à l’éducateur de mettre en place à l’entrainement des jeux coopératifs qui vont non seulement aider au développement des habiletés, mais aussi orienter progressivement vers la nécessité de coopérer pour conserver le ballon dans un sens donné, sans se le faire prendre, jusqu’à l’amener vers une cible pour marquer et gagner ! Le U6-U7 se situe à une période de son évolution qui se caractérise par un très grand besoin de mouvement et de jeux favorisant la découverte et la mise en place d’une motricité de base. Un processus favorisé par le fait de travailler en sous-effectif afin de limiter l’incertitude due à un trop grand nombre de partenaires et d’adversaires. Cela entre pleinement dans le cadre d'un apprentissage progressif et adapté à la comptéhension de l'enfant dont la concentration et l'écoute s'avèrent par ailleurs limités. Ce qui n'en fait pas moins un être doué de capacités extraordinaires pour progresser !
Et laissez-les dribbler !
Lorsqu'on encadre un public très jeune, difficile de ne pas être tenté de "téléguider" les joueurs depuis le bord du terrain. Que ce soit pour orienter leurs déplacements ou les inciter à « lâcher le ballon ». Problème, cela revient à les brider dans leur pratique alors qu'ils la débutent à peine ! Et ce n’est pas tout. Les empêcher de « trop » dribbler a pour effet de ralentir le développement de leurs habiletés techniques et motrices, ainsi que leur capacité à prendre des initiatives et donc leur confiance en soi. Voilà pourquoi il convient de les laisser essayer, échouer, essayer encore... Un processus qui va amener progressivement l’enfant à vouloir contourner le problème auquel il se voit trop souvent confronté (perdre le ballon). Et la solution qu’il devra trouver naturellement (et non sous la contrainte du coach) pour qu’elle soit bien ancrée sera de coopérer et donc de jouer avec ses partenaires, par nécessité. Voilà pour la théorie. En pratique, il est conseillé d’expliquer tout cela aux parents en début de saison afin d’éviter qu’ils prennent votre passivité devant les joueurs « individualistes » pour un manque de compétence ! Il sera temps aussi de leur rappeler qu’il n'y a rien de pire, plus tard, qu'un joueur qui se débarrasse du ballon, se sentant obligé de la donner à un partenaire, parfois mal placé…
Chaque chose en son temps
Une construction en 4 étapes
La construction du jeu collectif chez les U6-U7 s’effectue en 4 étapes consécutives et fondamentales qui respectent leur besoin d'organiser et de structurer l'espace qui les entourent, ainsi que leur développement psychosocial. Selon l’étape dans laquelle l’enfant se trouve, des situations d’apprentissage spécifiques seront proposées à l’entraînement.
1- Construire le sens du jeu, c’est-à-dire la direction où le joueur doit amener le ballon. Concernant les apprentissages, on peut en déduire que les jeux de conservation sans sens de jeu ne sont ici pas recommandés.
2- Construire la notion de cible à atteindre (but, porte, zone où amener le ballon, etc.), l’essentiel étant que cette cible soit située au bout du sens du jeu…
3- Construire la notion de partenaire. Une étape difficile car à cet âge, l'enfant entretient un rapport "égocentrique" avec le ballon. Il a donc du mal à concevoir que jouer avec, c'est le donner… D'où le fameux phénomène de « grappe » qui est tout à fait normal.
4- Construire la notion d'adversaire. Celui qui va poser les problèmes dans le jeu car il veut faire la même chose… mais dans le but opposé. C’est ainsi que parfois apparaîtront des pleurs, par exemple, signes de frustration, mais également d’incompréhension de la part du jeune joueur, qu'un "copain" empêche de jouer ! Là encore, il s’agit d’un passage tout à fait normal vers la construction du jeu collectif chez le jeune joueur.
Le quart d’heure de la pause demeure une fenêtre d’intervention privilégié pour le coach. Un moment où il peut impacter positivement son groupe, mais aussi le déstabiliser involontairement par des paroles ou des actes maladroits.
Procédé classique, l'attaque-défense sur le grand but permet d'ancrer les comportements souhaités tout aussi bien pour l'attaque que la défense. Illustration par l'exemple avec cette variante à 3 mini-buts et 2 appuis.
Conservation en supériorité dans la surface pour les uns, chasse pour récupérer le ballon et marquer pour les autres. Une situation que vos joueurs adoreront certainement.